La Vigie


Cela faisait déjà quatre jours que ce cavalier n’avait ni dormi ni mangé. Harassé de son périple, il s’arrêta dans la première taverne qu’il croisa. Alors qu’il soupait, son attention fut attirée par un groupe dont le silence attentif l’intrigua. Il s’approcha jusqu’à entendre ce qu’il espérait : une voix hypnotique. Il se joignit à l’auditoire et s’abandonna à son tour à cette distraction bienvenue.
- « Connaissez vous La Vigie ? »
Le conteur balaya l’assemblée d’un regard sans vie. Une vibration de curiosité mal contenue fut la seule réponse qu’il perçut.
- « La Vigie, avant de devenir la Vigie, n’était rien. Rien qu’une personne parmi tant d’autres. D’autres qui entrevoyaient déjà leur avenir alors qu’elle ne vivait que pour sa passion : un intérêt inextinguible pour les bâtiments à voiles, de la quille au nid de pie, de la proue à la poupe. Savoir qui l’avait conçu et pour quel usage, mais aussi, l’art du pilotage et les arcanes du combat naval.
Il est dit qu’un jour, La Vigie aperçut, dans un port, un navire qui réunissait à lui seul tout ce qu’il y avait de plus efficace, de plus technique et de plus séduisant parmi tous les bateaux qu’elle avait pu apprendre. Autant la pureté de ses gréements, l’élégance de sa ligne, la puissance de son armement, mais aussi, l’ordre et la propreté qui y régnait, la poussèrent à le voir de plus près. Sans même s’en rendre compte, elle emprunta la passerelle, longea le bastingage jusqu’au premier cordage, grimpa dans les haubans et, porté par le souffle léger de la brise marine, fut au plus haut : le nid de pie d’où son regard se perdit dans l’infini de l’horizon.

L’appel lointain, mais impératif d’un homme, ramena La Vigie à la réalité. Elle abaissa son regard sur la passerelle jusqu’à remarquer une silhouette, vêtue d’une redingote rehaussée de dorures. Le capitaine sûrement : « Hep toi là-haut, descend ! » La Vigie s’empressa d’obéir et voltigea jusqu’à la passerelle. Le capitaine fut stupéfait par tant d’agilité, d’aisance et de vélocité dans un milieu aussi contraignant. « Veux tu intégrer l’équipage du « Dame-Oiseau » ? »

Durant la période que nécessitait le ravitaillement du navire, son capitaine eut maintes fois l’occasion de tester sa nouvelle recrue. Il découvrit avec jubilation, qu’il avait engagé, non pas un combattant mais un fin stratège. Aussi il entreprit d’affiner les connaissances de La Vigie comme il aurait affûté une arme, tant en stratégie, qu’en exercices destinés à améliorer son acuité visuelle. De son côté La Vigie se prenait d’affection pour son mentor qui défendait des valeurs proches des siennes : l’équité en toutes choses, et pour chacun. Le départ vint finalement, le « Dame-Oiseau » appareilla, La Vigie pourrait enfin mettre son talent à l’épreuve. L’équipage s’activait, levait l’ancre, larguait les amarres, libérait la voilure ; le navire s’élança vers l’horizon, l’aventure, l’autre continent. Les jours passaient, La Vigie ne se lassait pourtant pas de scruter l’océan, elle aperçut bien des navires, aucun qu’elle ne put identifier sans toutefois trouver celui que recherchait le capitaine.

Une après-midi, La Vigie localisa enfin la cible convoitée, escortée par six autres bâtiments, tous mieux armés les uns que les autres. L’anxiété, due au nombre de navires à affronter, que ressentait La Vigie, s’atténuait au fur et à mesure qu’elle exposait une analyse détaillée des réactions possibles de la flotte ennemie. Avant que les adversaires ne se rendent compte de leurs intentions belliqueuses, le capitaine et La Vigie eurent le temps de mettre au point une stratégie, dont un des principaux éléments serait l’effet de surprise. La nervosité de l’équipage avait débuté dès la descente rapide de La Vigie vers le pont arrière. Tous sentirent le combat imminent alors qu’ils ne voyaient toujours rien. Le conciliabule entre leur capitaine et La Vigie semblait s’éterniser, la tension augmentait d’autant. Le capitaine se mit à aboyer : « Réduisez la voilure ! Virez de bord ! Chargez les canons ! » Quand l’ennemi compris les intentions du « Dame-Oiseau », l’escorte fit un écran à la cible comme l’avait diagnostiqué La Vigie, pas assez rapidement cependant pour empêcher le « Dame-Oiseau » de tirer une salve meurtrière sur le flanc de la cible. La cible était restée à l’arrière de leur formation, trois boulets suffirent. Le premier fracassa le gouvernail, le second fit tomber un mât et le troisième troua la coque. Les autres canons étaient dirigés vers les bateaux qui tentaient de passer de part et d’autre du « Dame-Oiseau » ; en vain. Il restait à présent quatre navires qui manoeuvraient afin de tenir le « Dame-Oiseau » dans leur ligne de mire. Le « Dame-Oiseau » lui, était déjà en position, ce qui fut fatal pour trois d’entre eux. Quant au dernier, pris de panique, et mesurant l’inutilité de son sacrifice, il déploya toutes ses voiles et fila au plus vite. Grâce à La Vigie et à son extraordinaire talent, la victoire fut possible.

Le « Dame-Oiseau » a tissé la légende. La Vigie était née.»

Annonce

Pour toute question sur le jeu de role Contactez nous.
Découvrez le jeu de role en ligne par forum: